Mémoire littéraire

Comme la plupart des villes thermales, Évian a été le lieu de séjour de nombreuses personnalités littéraires et artistiques : Marcel Proust, Fédéric Mistral, William Beckford, Sacha Guitry, Nikinsky, Serge de Diaghilev, Greta Garbo... Trois personnalités littéraires ont vécu dans le quartier des Mateirons et s'en sont parfois inspiré.

 Anna de Noailles (1876-1933)

D’origine grecque par sa me?re et roumaine par son pe?re, Anna de Brancovan (1876- 1933), comtesse de Noailles, a tre?s to?t pris conscience de sa vocation de poe?te. De?s ses premiers recueils — Le Cœur innombrable, L’Ombre des jours...—, elle a fascine? ses lecteurs par une langue sensuelle et splendide qui exalte les beaute?s du monde et de la Nature. Mais son chant prend aussi des couleurs tragiques, marque? au sceau de Dionysos. Frappe?e par la violence inoui?e de la Grande Guerre, confronte?e a? la mort de ses proches et de ses amis (Henri Franck, Maurice Barre?s, Marcel Proust...), la poe?tesse e?prouve alors « l’honneur de souffrir » et compose, en pleine maturite?, une œuvre impressionnante, a? la fois fune?bre et toute vibrante de son amour de la vie.

Après avoir passé son enfance et son adolescence dans la splendide villa Bassaraba, sa résidence familiale à Amphion-les-Bains, Anna de Noailles séjournera, avec son fils Anne-Jules, aux Mateirons à l'été 1917 dans la villa Les Mémises, alors propriété de son amie Mme Mathilde Francillon-Lobre. Ce sera son dernier séjour à Évian. La comtesse y composera le poème « Ode à un coteau de Savoie » dans laquelle elle chante le paysage alentour : Espiègle soleil, tu ris / Sur la sourcière prairie, / Où trois, quatre sources jettent / Leur eau tintante et replète, / Qui gonfle, et vient humecter / L’herbeux tapis de l’été ! / Les petits arbres fruitiers  Sont posés tout de travers / Sur ce coteau lisse et vert !...

Anne de Noailles

Emmanuel Berl (1892-1976)

Emmanuelberl

Témoin exceptionnel du XXe siècle, essayiste, journaliste, Emmanuel BERL (1892-1976) est aussi l’auteur oublié de quelques textes littéraires au charme inaltérable, très admirés de Patrick Modiano : Sylvia, Rachel et autres grâces, Présence des morts

Dans Sylvia, l’écrivain raconte comment, en 1913, il fit à l’hôtel Ermitage une expérience qui bouleversa sa vie : « ces images-là, je peux rendre témoignage pour elles. Si elles sont illusoires, je le suis encore plus ; si quand je mourrais, elles s’anéantissaient, c’est qu’il n’est pas pour moi de vie future, c’est qu’il n’y a jamais eu en moi de vie authentique. »

Roger Martin du Gard (1881-1958)

Prix Nobel de littérature en 1937, Roger Martin du Gard séjourne avec son épouse plusieurs mois à Évian, du 26 juin au 6 novembre 1941. Il travaille  alors à la rédaction de son roman Le lieutenant-colonel de Maumort. Ses lieux de résidence sont successivement le chalet «Les Épis» puis la villa «L’Hermone».

Dans son Journal, il témoigne du bonheur partagé avec son épouse au cours de ce séjour : « Il y a eu, pendant ces quatre mois entre Hélène et moi une entente si douce, si facile, que je garderai toujours un souvenir très tendre à cette villa, où une si calme atmosphère d’amour nous a baignés sans effort. […] Pour moi, jamais je ne suis plus près de mon bonheur que dans ce rythme régulier d’une vie conjugale bien accordée, légère, tendre, gaie, avec, sur ce fond radieux, un travail quotidien bien engrené ».

Roger martin du gard 1937